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L’auteur 
: Rainer Werner Fassbinder, est un réalisateur allemand né le 31 mai 1945 en Bavière, mort le 10 juin 1982 d'une rupture d'anévrisme à Munich. Il est l'un des représentants majeurs du Nouveau Cinéma allemand des années 1960-70. Un artiste décalé qui cultivait et mêlait si fort mauvais goût et raffinement, barbarie et culture.
Il s'intéressa très jeune au cinéma, dévorant films sur films. Il fonde sa troupe : l'Anti teater, pour laquelle il écrivit la majorité de ses pièces de théâtre de 1968 à 1971. Hanna Schygulla, travaillait alors déjà avec lui. Plus tard elle s'illustrera dans ses plus grands succès au grand écran, (« Les larmes amères de Petra von Kant », « Le mariage de Maria Braun »)



« Le Bouc » ou « Katzelmacher », a été écrit en 1968. Il aura un prix d’encouragement. « Katzelmacher » est un terme de mépris appliqué, dès la fin du XVIIIème siècle, en Allemagne du Sud, aux travailleurs étrangers venus d’Italie. Il se traduit par « le faiseur de chatons « (celui qui donne le gros ventre).

Le sujet : Jorgos, un ouvrier émigrant de Grèce, rejoint un groupe de jeunes oisifs. Il suscite l'hostilité et la jalousie
Le groupe de jeunes bavarois, eux-mêmes victimes de l’oppression ordinaire, représente, face au grec Jorgos, la majorité devenue secte et, une fois déchaînée, horde.
Le travailleur immigré, par sa seule différence, déstabilise le groupe, condense sur sa personne une haine nourrie de fantasmes et de frustrations, dont la sexualité est le catalyseur : haine du miroir, au total, plutôt que de l’étranger comme tel.
Ce dernier, au demeurant, insulté de "communiste" et de "chien de grec"., tabassé dans un moment d’hystérie collective (mais ritualisé, comme pour le sacrifice du bouc…émissaire), montre assez de ressemblance avec ses bourreaux pour refuser, aussitôt la fièvre retombée, d’avoir un Turc en guise de compagnon de travail.
Il parle à Marie de son désir de retour chez lui.

« Le bouc » , deuxième film de Rainer Werner Fassbinder, sera primé.

Le sujet est bien évidemment fort et puissant, et constitue chez Rainer Werner Fassbinder une figure récurrente qu'il développe notamment dans « Tous les autres s'appellent Ali » avec une histoire très similaire, la transformation des frustrations de chacun en haine, en fascisme ordinaire…
Mais, dans le film, le réalisateur ne la traite pas avec la dramatisation qu'on pourrait attendre. Il reste au contraire distant, rendant cette haine moins spectaculaire mais on ne peut plus commune, naturelle et finalement terrible. L'agression même, inévitable, est très vite banalisée. Elle n'est pas « extra-ordinaire », elle est tout simplement « ordinaire ». Chronique de la Haine ordinaire aurait pu être ici le sous-titre de ce film allemand post-Seconde Guerre mondiale.

Le jeu des comédiens va dans le même sens. On a réellement l'impression qu'ils s'ennuient et qu'ils donnent à leurs personnages le moins d'incarnation possible. Pas d'affects, pas de réactions, un calme qu'on aurait presque envie de qualifié de clinique.




Note d’intention :J’ai voulu garder dans la mise en scène le côté distancié : les acteurs sont tous sur le plateau en fond de scène, de dos, prêts à intervenir. Pas de décors, pas d’accessoire. Les séquences s’enchaînent, reliées par des intermèdes musicaux.
Cette pièce m’a intéressée pour des élèves d’une part, parce qu’ elle me permettait de réunir une dizaine de participants et ainsi d’élargir le jeu, d’autre part, par sa structure :  des séquences brèves dont le texte est réduit à l’état de rudiment et oblige l’acteur à donner un sens au mot, à ne pas s’abriter derrière.
Le sujet de cette pièce reste très actuel : l’argent, le crime, le sexe pour éviter de répondre au pourquoi de la raison d’être.
Alors on « cause », on « bavarde »« on balance » .
« - Toujours les bavardages, vous n’avez aucun respect » dit Helga.
« - Alors ils ont causé. Avec Bruno, ils ont causé aussi, mais maintenant nous sommes habitués » dit Elisabeth.
« -De qui cause-t-on ? » demande Paul.
« - Jamais ils n’ont causé avec une telle méchanceté » dit Elisabeth.
Gunda s’est-elle vraiment faite violer par Jorgos ou invente-t-elle ce fantasme par dépit.
Eric a-t-il vraiment été agressé par le Grec ? … bavardages !
La violence se projette explosivement à l’extérieur, sur l’étranger, parce qu’elle circule sourdement au sein du groupe par des nuisances réciproques, des blessures répercutées sans commencement ni fin. Aussi bien le processus de dégradation se développe surtout à travers le patient tissage d’un réseau de mots et de phrases du langage social qui annonce le « meurtre » de l’autre.


Mais on rêve d’aller loin, ailleurs.

Distribution (par ordre d’entrée en scène) :

Franz  : Lucas David Jouve (à la guitare)
Eric : Jules Roukoz
Marie : Emma Lecocq
Paul : Arnaud Faure Beaulieu
Helga  : Isabel Maler
Jorgos  : David Joubert
Elisabeth  : Jeanne Veillerot
Gunda : Ingrid Aymes
Bruno : Sébastien Hirondel
Ingrid : Claire Gascoin (au chant)

En première partie : « Variation sur un sketch de Poiret et Serrault »
Interprété par :

Marie Kaigre
Louis Farge
Simon Carlevaris