Projet pédagogique
par Yves Carlevaris


Voici un bon nombre d’années que je travaille dans le spectacle sous des casquettes diverses: acteur, metteur en scène, auteur, professeur, réalisateur, gagman, etc...

Définir une méthode d’enseignement me parait aussi difficile que pour un sculpteur prévoir ce qui va sortir d’un morceau de terre glaise.

Dans notre métier, tout est affaire de sensations, d’instants, de relations privilégiées avec chaque acteur. Il est bien évident qu’une méthode pédagogique diffère d’un élève à l’autre pour la bonne raison que faire du théâtre engage l’être tout entier, avec son vécu, son présent, ses rêves, etc... En quelques lignes je vais essayer d’expliquer ma façon de procéder.

L’élève d’art dramatique ne sait pas toujours très bien ce qu’il recherche en voulant “faire du théâtre”: s’exprimer, accèder au vedettariat rapidement, s’identifier à un personnage?...

Le but de l’enseignement est donc de l’initier au travail de l’acteur et au plaisir de l’acteur.

D’abord, grâce à des improvisations dans lesquelles les jeunes acteurs donnent libre cours à leur imagination dans une ambiance ludique et ceci pour leur faire comprendre l’importance d’un personnage et “d’une situation dramatique”.

Ensuite par un choix de textes de préférence contemporains et proche des élèves par le langage (sketches de leur choix, scènes de cinéma, courtes pièces: Pinter, Tchekov, Queneau, Brecht etc...) Les textes classiques sont ensuite abordés lorsque ce travail est assimilé.

Chaque pièce est mise en scène, (il ne s’agit pas d’une simple mise en place) ce qui donne le sentiment à l’élève de travailler tout de suite comme un professionnel.

Il est également intéressant de lui proposer, sur une même scène, des mises en scènes très différentes ( loufoque style Mony-Python, violente, intériorisée etc...), cela lui permet d’aborder les différentes lectures d’un texte, d’accéder à la souplesse du jeu de l’acteur, de passer rapidement d’un état émotionnel à un autre.

Il est important de faire comprendre à l’acteur qu’il n’y a pas qu’un style de jeu, que chaque metteur en scène a sa vision d’un texte et que, pour le comédien, c’est un plaisir de pouvoir s’adapter à l’un ou à l’autre.

J’ai travaillé avec des gens venant d’horizons divers et abordé des genres très éloignés les uns des autres ( textes classiques, comédie musicale, boulevard, café-théâtre, etc... ), ce qui me permet de proposer des techniques différentes, par exemple au niveau corporel. Souvent un jeune acteur, même sportif, a du mal à avoir des réactions physiques en accord avec unne émotion vraie. Alors l’élève se met quelquefois à la danse. Ce qui n’est pas mauvais en soi. Mais la danse est composée d’exercices ritualisés, j’ai été danseur et je connais cette question. Or, le propre de l’acteur est d’éprouver des sensations et de retrouver des gestes vrais en faisant appel à ses réflexes moteurs les plus instinctifs.

Accompagner, comprendre chaque élève, être à l’écoute de son énergie me semble l’essentiel de l’enseignement du théâtre. Faire comprendre au jeune acteur qu’il joue
avec un partenaire pour transmettre “quelque chose” au public.

Yves CARLEVARIS